Le Hand-spinner... et la Trinité !

Ceci n’est pas un « hand spinner »

On le voit partout, dans les cours de récré, les salles de classe, les transports en commun, les bureaux, ... Le « hand spinner » (de l’anglais « main » et « toupie ») se présente comme une roue plate à trois hélices, à faire tourner entre son pouce et son doigt le plus longtemps possible, grâce à un système de roulement à billes. Il tourne vite, longtemps, sur n’importe quelle surface. Cette sorte de toupie nouvelle génération d’une simplicité déconcertante est le nouveau gadget à la mode des jeunes et des moins jeunes.

Le hand spinner ? Voilà la réponse à la question d’un ami qui me demandait lors d’un échange avec d’autres jeunes musulmans, juifs et athées : « mais, toi, tu crois en la Trinité ? » S’il y avait bien quelque chose qui me différenciait de mes frères juifs et musulmans, c’était bien cela : alors qu’avec eux je crois que Dieu est Unique, j’étais le seul à croire que Dieu est Trinité : Père, Fils et Saint-Esprit… Mais qu’est-ce que la Trinité ? S’agit-il d’un pur concept théologique incompréhensible qui sert juste à alimenter les débats de théologiens en manque d’idées originales sur la divinité et à mettre à mal un pauvre et jeune croyant comme moi qui n’a pas fait de grandes études ?

Heureusement, les ados me viennent en aide aujourd’hui en faisant tourner leur hand spinner comme une toupie entre leur pouce et leur index. Comme le « hand spinner », le concept de « Trinité » a lui aussi été purement inventé puisqu’il n’apparait pas dans les Evangiles. Il n’est entré dans la mode chrétienne qu’à partir du IIIème siècle.

Quant au hand-spinner, il a été inventé il y a une vingtaine d’années par une jeune maman afin de divertir sa fille de sept ans. Alors qu’elle souffrait d’un trouble musculaire, elle cherchait un moyen de pouvoir jouer avec son enfant. Mère et fille ont fini par mettre au point ensemble une version basique de cette drôle de toupie. Elle sera alors utilisée à des fins thérapeutiques, notamment pour des personnes autistes ou hyperactives. Une autre hypothèse signale que l’inspiration est née lors d’une visite en Israël après avoir observé de jeunes Palestiniens jeter des pierres sur des policiers. L’inventrice aurait ainsi réfléchi à un objet qui puisse les occuper et les calmer. Quelle que soit l’origine exacte du hand-spinner, il me semble que son histoire suffit déjà à elle seule pour entrer dans l’éternité de Dieu …

Oui, je crois en ce Dieu-Trinité qui nous a pris dans ses mains pour nous façonner à son image et à sa ressemblance, comme on place délicatement le hand spinner entre son pouce et son index. Créé à son image et à sa ressemblance, je suis appelé à vivre cette même dynamique de relation que celle qui existe au sein-même de la Trinité elle-même. Trois hélices pour un seul objet qui nous entraine dans un unique et même mouvement qui n’a pas de fin.

Le mystère de la Sainte Trinité, c’est ce mouvement de l’amour qui est en Dieu, de l’amour vécu entre le Père et le Fils par le Saint-Esprit. Si Dieu est amour, il ne peut être que ouverture, relation, décentré de lui-même, il ne peut être que « Trinité ». Un Amour qui relie le ciel et la terre, comme le hand-spinner relie mon pouce et mon index … Un amour divin qui se fait humain pour que notre amour humain, fragile, éphémère, maladroit, devienne divin et s’inscrive dans l’éternité. Un Amour divin où l’humanité est invitée à entrer. Un Amour de communion où chacun maintient sa propre individualité unique et irremplaçable, dans une relation de don réciproque. Cette unité dans la diversité qui existe en Dieu, je suis invité à la vivre au sein même de ma famille, de ma classe, de mes groupes d’amis, de mon quartier, etc. Grace au hand-spinner, je perçois que ma foi en la Trinité n’a rien à voir avec une énigme mathématique imbuvable, mais traduit plutôt l’équation existentielle de l’humanité, l’équation de l’Amour. Ma foi relève moins de concepts abstraits de théologie que du vécu bien concret et quotidien de ma vie humaine appelée à entrer dans le mystère de l’amour.

Certains se servent du hand-spinner comme d’autres utilisent la foi : il s’agirait d’un gadget auquel on prête des vertus antistress. Ce n’est pas mon cas. Pour moi, le hand spinner, il ne me sert à rien, mais il change tout !!! Finalement, c’est comme ma foi : elle ne sert à rien, mais elle change tout ! Elle me met de bonne humeur tous les matins. Elle me permet de me sentir vivant et heureux à chaque instant de la journée.
Comme chaque hand-spinner, la foi de chacun est unique. Ronde, pointue, pailletée, en plastique, en métal ou encore doté d’effets lumineux, ce jouet se décline dans une palette de couleurs bien différente. Chacun l’utilise à sa façon. Certains adeptes, comme les croyants selon leur propre sensibilité, font parfois preuve d’une imagination foisonnante. Certains font ainsi tourner leur hand-spinner sur leur tête et sur leur nez, pendant que d’autres s’adonnent à faire des figures d’acrobatie. Est-ce que Sainte-Thérèse pensait déjà au hand-spinner quand elle affirmait dans une de ses lettres être la « toupie de Jésus » ?

Si la foi peut être parfois perçue comme l’opium du peuple, il est tout aussi regrettable que le hand-spinner devienne souvent la hantise des professeurs. Son succès est tel que de plus en plus d’écoles se mettent même à l’interdire. J’ai aussi découvert que certains hand-spinners étaient vraiment dangereux : plutôt que de présenter une forme à trois branches douces et arrondies, il est composé de trois lames de couteaux. Malheureusement, certains utilisent aussi la foi et la religion pour répandre le mal et la terreur dans notre monde. Comment est-ce possible de détourner ainsi un appel à la paix, à la relation et à l’amour ?

Finalement, je peux même supprimer le mot « Trinité » de mon jargon. Par ma foi, je crois simplement que Dieu est Relation, et que personne n’est exclu de ce mouvement d’amour. Comme un hand-spinner, la foi a le pouvoir de m’embarquer dans ce mouvement d’amour infini en faisant de moi un enfant de Dieu. Bien sûr, je sais que je vis des relations humaines toujours imparfaites, mais je peux contempler en Dieu une relation d’amour inconditionnel et en plénitude qui m’invite à rentrer dans la danse, tourbillon relationnel au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et à y entrainer toute l’humanité… Est-ce que j’aurai le courage d’accepter cette invitation à entrer dans la danse avec Lui et d’être conduit au-delà de ce que je crois connaitre ?